Le digital pour les assureurs : move or die

ssurance

J’ai eu le plaisir de présider la Conférence DII « L’Assurance à l’ère digitale » le 26 mars 2014, qui rassemblait des assureurs français pour partager leurs perspectives quant aux évolutions du digital et la transformation de l’industrie. Voici quelques réflexions inspirées de ces échanges.

Un premier constat pour moi est l’accélération des changements. Si on refait un peu l’histoire, le début des années 2000 a connu l’essor du e-commerce qui maintenant a atteint un stade de maturité avec la dominance d’acteurs globaux (amazon, ebay, Rakuten, etc)… Certains se souviendront sans doute aussi de bulles qui ont eu autant de notoriété que la rapidité de leur déclin. Qui n’a pas créé son avatar sur Second life ? Mi années 2000, ce fut l’émergence du web 2.0 – le début du partage, du collaboratif et des réseaux sociaux. Aujourd’hui, nous assistons à une déferlante d’innovations, dont certaines feront probablement long feu, quand d’autres inscriront dans des changements majeurs de nos comportements : objets connectés, technologie embarquée dans les voitures, mobilité et géolocalisation, big data, co creation et crowdfunding, … Bien malin celui ou celle qui sait aujourd’hui à quoi ressemblera le monde de demain…

Dans ce contexte, les assureurs – dont le métier est de gérer le risque et l’incertitude ! – se doivent de naviguer dans ce monde plus incertain, de transformer leur modèle de distribution et de relation clients, leur organisation et leurs process, et de prendre des paris sur l’avenir. Si la donnée est le cœur de l’intelligence de l’assurance, les assureurs risquent de se trouver face à des acteurs qui auront des données plus riches, plus précises et plus pertinentes (tels les  GAFA).

L’assurance en mouvement

J’ai pu constater que tous les assureurs ont lancé des projets de transformation de leur modèle relationnel et de distribution : adaptation des offres à internet (plus simples, plus modulaires, plus de « petits » produits liés à l’usage), développement des points de contacts (sites internet, sites mobiles, réseaux sociaux, espaces clients), multiplication des moyens de contact (chat, web call back, e-docs). Ces nouveaux modèles et ces nouvelles technologies permettent de passer d’un mode transactionnel rare (achat / sinistre) à un mode relationnel plus inscrit dans la durée (engager la conversation, fournir du conseil, participer à la prévention des risques, développer le service). A ce stade, il semblerait que la majorité des efforts soit encore focalisée sur la mise à niveau de l’existant (sites web) et l’intégration du digital avec les réseaux physiques. Ces transformations à elles seules prennent et prendront plusieurs années.

Mais pas encore à la pointe du changement

Si la plupart des assureurs ont fait quelques tentatives sur les réseaux sociaux – à commencer par facebook, le modèle gagnant n’a pas encore émergé et certains referment le sujet, notamment face à la marée de commentaires négatifs. Twitter semble obtenir des retours plus positifs, comme canal de communication vis-à-vis de ses clients – même si sa mise en place challenge l’organisation – diversité des questions et réponse en temps réel. Comment répondre à des questions qui peuvent concerner aussi bien la fiscalité d’un contrat d’épargne d’un particulier qu’une dommage-ouvrage d’un professionnel de façon instantanée ?

Les applications smartphone se sont, elles aussi multipliées. Nous avons recensé d’une part, celles qui n’étaient qu’une réplique « délocalisée » du site internet – dont l’avenir est incertain avec l’évolution des sites en responsive design / version mobile ; d’autre part, celles qui apportent une vraie plus-value : de l’aide en cas de problème (comment remplir un constat), de la prévention (alerte aux intempéries, les gestes qui sauvent), des bénéfices tarifaires (évaluation de la conduite avec baisse de tarif à la clé).

Quant aux dernières innovations, si le big data occupe et préoccupe, je n’ai pas encore observé de résultats concrets de grande ampleur, mais une forte réalisation de l’enjeu qui a amené certains assureurs à se doter d’équipes dédiées, de « data labs » voire de partenariats avec des fournisseurs de données. Les objets connectés, eux, commencent à trouver leur place, notamment en lien avec les offres habitations ou santé.

On voit bien que la prise de conscience est forte et que les assureurs ont compris que l’innovation devrait probablement s’appuyer sur des sources externes, d’où la multiplication d’événements type « hackaton » où l’on invite des développeurs à travailler sur une durée très courte à l’élaboration d’applications ou de prototypes, la prise de participation dans des start-ups via des fonds d’investissements, voire l’implantation dans des environnements propices comme la sillicon valley – mouvements qu’on déjà fait les télécoms ou les banques il y a quelques années…

Les facteurs clés de succès

Certains paraitront pour des évidences, mais il est cependant toujours utile de recenser les facteurs sans lesquels une transformation digitale ne pourrait véritablement réussir.

Une transformation qui va toucher toutes les fonctions de l’entreprise – aussi bien opérationnelles que support, se doit d’être portée au plus haut niveau de l’organisation. Si le CEO a le bon goût d’en faire un leitmotiv de son discours tant en interne qu’en externe, c’est déjà une grande avancée !

La transformation digitale est avant tout une transformation culturelle qu’il faut encourager et accomagner : les RHs doivent elle aussi se saisir de ce sujet et organiser en collaboration avec la direction du digital des programmes d’introduction ou de spécialisation : e-learning, université… à chaque niveau de l’entreprise.

Parce que la plupart des assureurs distribuent aujourd’hui leurs produits via des réseaux physiques (salariés, agents, courtiers) dont la façon d’opérer peut être challengée, il me parait indispensable de développer les nouveaux modèles en co-création avec les distributeurs à partir d’une vision partagée. Il faut être conscient que tous n’adhéreront pas avec le même enthousiasme ou ne s’adapteront pas à la même vitesse, et donc accepter d’avoir un système à plusieurs vitesses, avec des pilotes ou des distributeurs labellisés « digital ».

Transformer le modèle signifie revoir les offres (accessibles en multi-accès), le modèle relationnel (accessible en multi-device), et le partage de la valeur (entre internet, le téléphone, le distributeur et le client qui va exiger une partie du bénéfice à partir du moment où il réalisera plus de taches ou partagera plus de données). Cet effort de changement doit donc se doter d’équipes focalisées, dédiées mixant ressources internes qui agiront en transversal dans l’organisation et d’experts digitaux qui apporteront les meilleurs pratiques d’autres secteurs ; et de méthodes non traditionnelles : réactivité, agilité, livraison rapide, environnement déconnecté des systèmes et des cycles « legacy », test and learn, et mesure permanente pour réajuster en temps réel.

 

Si la transformation digital semble incontournable et déjà engagée chez la plupart des assureurs, l’issue de cette transformation reste encore pleine d’interrogations – Quelle évolution des risques et de la masse assurable ? Quelle prise de pouvoir par les consommateurs ? Quelle concurrence de la part d’acteurs non assureurs ? Quel partage de la valeur entre les différentes intervenants ? Quel rôle et quelle rentabilité pour les réseaux physiques ? Quels modèles gagnants ?

La victoire à ceux qui auront bougé dans la bonne direction !

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